Éloge de la Simplicité

Des jours et des jours à me creuser la tête sur comment attaquer ce mastodonte qu’est pour moi le concept de simplicité. Une grotte luxuriante de sens où tout se mélange dans une palette de couleurs poétiques et de reflets de lumière du printemps prochain. Comme vous l’aurez compris, c’est une notion très abstraite qu’il faut que je partage.


 

Je ne suis ni doctorant, ni expert dans un domaine précis. Ma seul vertue est de faire l’expérience de la vie. Ma subjectivité est une anecdote qui vaut la peine d’être partagée par sa seule fonction d’exister, comme la vôtre par ailleurs.

Le Tao, philosophie chinoise

J’aimerais aujourd’hui faire exploser dans ce magma verbal un mot qui compte beaucoup pour moi : la simplicité. Il est le cœur de toutes les solutions à nos problèmes. Je ne veux pas parler de la simplicité capitaliste qui consiste à perdre moins de temps, d’énergie etc. Je compte vous parler de la simplicité sous le point de vue d’un courant de pensée qui a plus de 4000 ans, qui vient de Chine : le Tao. Cette philosophie (non, les grecs n’ont pas inventé la philosophie tous seuls), nous explique que la vie est une voie qu’il faut arpenter comme un sentier sans penser à sa finalité. Cette déambulation doit se faire sans effort, naturellement, sans apporter de complexité superflue, seulement le strict nécessaire. Alors la profondeur de cette voie sera vraiment, car nous serons en totale adéquation avec le monde qui nous entoure, les forces naturelles. Lao-Tseu, le créateur de ce courant de pensée, dit qu’il faut penser comme si nous étions l’eau. Nous prenons la forme que les événements nous donnent et passons outre sans que cela nous atteigne. Chose possible qu’à une seule option : vivre dans la simplicité.

La base du Tao s’articule autour d’un concept noyau que l’on nomme le Wu-Wei. On peut traduire très synthétiquement cela par : « agir sur le vide » ou bien « agir sans agir ». Moi, j’aime introduire le Tao en le traduisant par : « penser sans penser » car le Tao est avant tout une philosophie qui se vie. 2000 pages sur le sujet ne vous avanceraient à rien. Le bouquin fondateur, le Tao te-king, seul ouvrage écrit par Lao-Tseu lui-même, fait à peine 100 pages. C’est avant tout quelque chose qu’il faut rattacher aux expériences de sa propre existence. Le Tao est le vase, votre vie l’engrais qui permettra de faire germer des idées nouvelles. Méditer sur cette idée de non-agir, c’est ne plus intellectualiser avec tout notre système de pensée occidentale, que l’on nous intègre dès la naissance, mais c’est ressentir les choses sans les analyser, sans y accoler notre conception déjà pré-faite de la chose. Vivre dans le présent pleinement, sans se laisser alourdir par le poids du passé et l’angoisse du futur.

Le monde n’est pas rationnel

Tout ce travail sur soi-même est une véritable rébellion contre les idées de notre société. Si la confusion règne en maître dans notre pays c’est aussi car nous sommes en perpétuelle crise existentielle. L’humain est une espèce hybride, un amphibien naviguant dans deux mondes : le monde matériel régi par la physique et le monde symbolique régi par la pensée. Notre rapport au monde matériel rentre presque en opposition avec les notions de bonté, de vertu ou même de sagesse qui sont les moteurs à entretenir pour la clarté de notre pensée ; ce qui crée en nous une souffrance presque illogique, que nous ne comprenons pas car latente, un stress psychologique. En effet, on nous conditionne à penser rationnellement, avec complexité et pragmatisme. Sauf que le monde n’est pas à comprendre rationnellement, il est à ressentir, à contempler, pour en tirer des enseignements et avancer sans effort dans la vie, en toute simplicité. Il y a des choses en ce monde que nous ne comprenons pas, et qu’il ne faut pas chercher à comprendre. C’est la seule manière de résoudre l’énigme de nos vies. Cela ne veut pas dire rentrer dans un obscurantisme, c’est plutôt laisser les questions venir à nous, et laisser les événements de nos vie nous donner l’enseignement pour avancer en apprenant pleinement à se connaître soi-même. Être dans cette position de simplicité laisse les événements venir à nous, plutôt que l’inverse. Il ne faut pas brusquer les choses, elles viennent à nous si nous sommes en position pour recevoir. « Pourquoi détruire en 10 secondes, ce que l’on peut construire en 100 ans ? » disait Miyasaki dans Nausicaa

Vous verrez, avoir l’intention de rendre les choses plus simples dans sa vie remet en cause beaucoup de choses : l’économie, la politique, l’art, votre vie amoureuse, vous-même. Les pensées et questions inutilement nombreuses qui nous parasitent du type: « que vont penser les gens de moi ? », « suis-je quelqu’un de bien ? » « Suis-je séduisant ? » mettent un mur entre nous et les autres. Être dans un état perpétuel de simplicité et dans une position de ressentir plutôt que d’analyser va affûter notre instinct et donc notre faculté à prendre de bonnes décisions.

La sagesse immobile

La simplicité n’est donc pas seulement de se contenter de peu, ou d’avoir un aspect extérieur sobre, mais c’est de pleinement vivre la simplicité aussi dans son monde intérieur. Penser dans la simplicité, ne veut pas dire sans profondeur mais plutôt ne pas envelopper nos idées dans une gangue de complexité. Le courant du Bouddhisme japonais que l’on appel le Zen nous apprend aussi que pour réussir cela il faut vivre la sagesse immobile. Ce qui correspond à ne pas s’agripper à une idée. Il faut les laisser nous transpercer et partir, ce qui développe une assiduité nouvelle. La reconstruction de l’idée même d’ego. Notre esprit n’est plus positionné en nous mais dans l’ensemble des choses qui nous entourent. Nous vivons pleinement le moment dans lequel nous sommes.

Illustration : Anaïs Rallo

Je sais que tout ce charabia peu paraître quelque peu new-age pour certains mais c’est pourtant la colonne vertébrale de courant de pensée occidentale. Des auteurs comme Barthes, Jung ou même tout le mouvement Beatnik voient dans cette idée de simplicité asiatique un renouveau de la science et des arts. Je vous propose par exemple pour commencer à la découvrir, de lire les anges vagabonds de Jack Kerouac. Encore aujourd’hui, le Tao existe dans beaucoup d’aspects de notre monde. Nous verrons ça la prochaine fois avec Kevin Cuello qui vit le Tao dans tous les instants de sa vie.

Written By: L'Hermite Sombre

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